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    Quiconque est un peu familier des marchés du Perche, s’intéresse à la production et aux acteurs locaux ne peut nier que la tendance est désormais au bon, au bio, à l’écolo. Oh, ce n’est pas un tsunami, loin de là, mais un mouvement de fond, porté par un réel enthousiasme, par la volonté de faire table rase d’une agriculture passéiste et destructrice, ainsi qu’en témoigne le succès de la conférence de Marc Dufumier. Malheureusement, de bien gros rochers se dressent encore au travers de cette fragile petite vague. L’un d’entre eux, et non des moindres, s’appelle le Sénat. Certes, tous les sénateurs ne sont pas anti-bio, mais il se trouve que celui qui nous intéresse tout particulièrement, celui que nous avons élu, n’en est pas un ardent défenseur : Jean-Claude Lenoir, sénateur de l’Orne, fait partie de ceux qui ont voté contre l’obligation d’intégrer 20% de produits bios dans les collectivités locales. 

    C’était dans le numéro de l’Orne Hebdo daté du 25 octobre. Le récit d’un  combat inutile, un combat d’arrière garde rapporté d’une plume aussi rageuse qu’ironique, qui a opposé la communauté de commune des Sources de l’Orne à la chambre d’agriculture de l’Orne, dominée par la FDSEA. L’objet du litige est une belle ferme près de Sées, que la CdC est prête à acheter pour en confier l’exploitation à un agriculteur et à un maraîcher bio. Au grand dam de la chambre d’agriculture qui préfère que les 83 hectares de la propriété reviennent aux agriculteurs riverains, établis en conventionnels. Pot de terre contre pot de fer, penserons certains, résignés à la triste fin habituelle. Que nenni : pour une fois, bien que la bataille fût rude, le pot de terre, le projet de ferme bio, gagna. (Cliquer ICI pour lire l'intégralité de l'article)

    Le sénateur aime les abeilles mais les tue

    Même si elle finit bien, cette histoire assez laide laisse un gout amer. De plus en plus de consommateurs et d’agriculteurs se convertissent au bio, les ventes de produits biologiques ont connu une hausse de 14,7% en 2015. Les surfaces en bio ont bondi de 23,1% en France en 2015, atteignant 1 375 328 hectares. Pourtant, le bio, et en général toute forme d’exploitation et de gestion des ressources naturelles respectueuses de l’environnement et de la santé, continue d’être handicapé par une opposition sourde, un refus têtu de la part de ceux-là même qui pourrait lui donner un sacré coup d’accélérateur. L’opposition ne vient pas uniquement de la base traditionnelle agricole mais d’une bonne partie de nos élus, au point que ceux de Sées font figure d’anomalie. Le gros du peloton de ces élus qui ont les deux pieds sur le frein sont issus d’une même institution : le Sénat.  

    Qui aujourd’hui, à part l’industrie chimique, peut sérieusement défendre les néonicotinoïdes ? Une myriade d’étude a prouvé qu’ils sont en grande partie responsables de l’hécatombe d’abeilles de ces dernières années – la production de miel a été divisée par trois en vingt ans. Et pourtant, par deux fois, en janvier et en mai 2016, le Sénat a voté contre la proposition de loi visant à les interdire. A cause de cette obstination, que par égard pour nos élus nous qualifierons d’obtuse plutôt qu’intéressée, les néonicotinoïdes ont encore quatre ans pour exercer leurs ravages, jusqu’à leur liquidation en 2020.

    Parmi les obstinés qui ont voté contre, il y en a un que nous aurions nettement préféré voir dans l’autre camp : Jean-Claude Lenoir, sénateur de l’Orne. L’un de nos deux sénateurs, hélas (le second, Nathalie Goulet, n’a pas voté). (Voir ci-dessous le trombinoscope d'Agir pour L'environnement)

    Mais qui sont les sénaTUEURS d’abeilles ?

    Un vote d’autant plus désolant que l’un des rendez-vous annuels les plus courus de la région n’est rien autre que… La Fête des Abeilles, qui a lieu chaque année à l'Ecomusée du Perche et dont l’objectif, aux antipodes du vote sénatorial, est de sensibiliser le public aux méfaits de l’agrochimie. 

    Le sénateur mange bio mais l’interdit aux autres

    Jean-Claude Lenoir est peut-être allergique aux abeilles mais, à en croire le menu du restaurant du Sénat, il ne devrait pas être contre le bio : le chef de la « cantine » sénatoriale garantit en effet à ses clients au moins 20% de produits bios dans leurs assiettes. Une nouvelle à priori réjouissante, mais voila : ce qui est bon pour la santé de nos sénateurs ne l’est pas nécessairement pour celles de nos enfants, nos personnes âgées, nos malades.

    Le menu du sénat : garanti 20% bio (mention au bas de la page 2 du menu)!

    En mars 2016, une proposition de loi obligeant à introduire 40% de produits locaux et 20% de produits bio dans la restauration collective publique (écoles, maisons de retraite, hôpitaux,..) a été, chose rare, adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale.

    Le texte passa au Sénat.

    Que pensez-vous qu’il arriva ?

    Jean-Claude Lenoir et cent quatre vingt sept sénateurs – dont Nathalie Goulet, notre autre sénatrice de l’Orne – votèrent contre.(Voir ci-dessous le trombinoscope d'Agir pour L'environnement)

    Mais qui sont les sénateurs « anti-BIO » ?!

    Et la loi ne passa pas.

    Interpellé via le site Agir pour l’Environnement, voici ce que Jean-Claude Lenoir (qui est aussi Président du Pays du Perche Ornais en charge de mettre en œuvre le programme LEADER avec un volet agricole ayant vocation à aider les actions collectives comme la transformation des produits agricoles ainsi que la mise en place de plateforme de distribution de la restauration collective) dit pour sa défense : "Il serait en effet regrettable qu'une initiative destinée au départ à rapprocher les lieux de production des lieux de consommation entraîne des difficultés d'approvisionnement se traduisant par un recours à des produits importés. Or, c'est bien ce qui risquerait de se produire en l'état, puisque la surface en bio ne représente aujourd'hui que 5 à 6 % des terres agricoles".

    L’attachement au local de Jean Claude Lenoir est louable (on espère d’ailleurs qu’il a vérifié l’origine des produits bios de la « cantine » sénatoriale). Si on suit son curieux raisonnement arithmétique, il faudrait donc bien plus de terres dédiées au bio pour couvrir 20% des besoins des collectivités locales. 20% par exemple ? Pour atteindre ces 20% il faudrait que les agriculteurs bios y trouvent leur compte. Pour qu’ils y trouvent leur compte, il leur faut des marchés sûrs et des commandes régulières. Comme celles des collectivités…  On se mord la queue, monsieur le sénateur.

    Il existe une délicieuse expression française : « Avancer à un train de sénateur ». Elle fleure bon un temps où l’on ne pouvait imaginer ce haut personnage de l’Etat se déplacer autrement qu’avec la digne lenteur qui seyait à son âge, son embonpoint et à sa supposée sagesse. A l’ère du TGV, l’expression reste d’actualité, nos braves sénateurs pensent toujours, telle la tortue de la fable, que rien ne sert de courir. Oui, vraiment, pourquoi se hâter ? Ce n’est pas quelques pincées de pesticides dans leurs assiettes qui vont faire mal au ventre de nos enfants, et peu importe ce que pensent les parents qui, selon un sondage de l’association Agir pour l’Environnement, sont 76% à soutenir l’introduction d’aliments issus de l’agriculture biologique en restauration collective public. Non, vraiment, rien ne sert de courir. Sauf que, comme pour l’affaire de Sées, nous ne sommes pas dans une fable, le lièvre pourrait bien cette fois coiffer la tortue au poteau.

    Et le lièvre, il vote.

     

    Pour signer les pétitions d'Agir pour l'Environnement, c'est ICI 


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