• Une très jolie participation, jeudi 22 mars, à la projection du film Secrets des champs au cinéma Saint Louis à Theil sur Huisne. Un public motivé et intéressé, qui est resté littéralement suspendu aux lèvres de l’ex-agriculteur Gérard Boinon lors de l’extraordinaire conférence qui a suivi et où il est revenu, sans fausse pudeur, sur le terrible parcours personnel qui lui a fait prendre conscience de la dangerosité et de l’inanité des pesticides. Un grand moment de partage et d’émotion. 

     

    Le film Secrets des champs, réalisé par Honorine Perino et produit par Rés’OGM Info (voir ICI ), est un plaidoyer en faveur d’une agriculture qui, au lieu des pesticides et autres horreurs chimiques, a l’intelligence d’utiliser le potentiel biologique et biochimique de la nature, la manière dont les plantes cultivées s’associent, coopèrent, communiquent et cohabitent avec les êtres vivants qui les entourent : les insectes, les champignons du sol, et les autres plantes. Les recherches scientifiques et paysannes récentes ouvrent des pistes d’innovations enthousiasmantes, du maraîchage à l’agroforesterie, en bio comme en agriculture de conservation.

    Un homme a mis ce savoir en pratique : Gérard Boinon,  69 ans, ancien cultivateur et éleveur à Saint-Trivier-sur-Moignans dans l’Ain, secrétaire de l’association rés’OGM, consultant au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU à Genève, membre du comité de pilotage du film, venu à Theil pour l’accompagner et assurer la conférence qui a suivi la projection.

    Jeudi 22 mars : un film et le combat d’un homme meurtri contre les pesticides

    Monsieur Gérard Boinon

    Récit d’une descente aux enfers

    Plus qu’une conférence, au sens classique du terme, ce fut plutôt un partage d’expérience, le récit d’une franchise et d’une sincérité saisissantes, émouvantes, du parcours qui amena Gérard Boinon à s’investir aussi pleinement dans la défense de l’agro-écologie.    

    En 1984, celui qui était encore un agriculteur on ne peut plus conventionnel a été empoisonné par un pesticide en traitant les pucerons du blé sur son exploitation. Par chance, il pensa à prendre avec lui ses bidons à l’hôpital, ce qui lui a sans doute sauvé la vie. Malgré tout, il y eut de sérieuses répercussions sur sa santé, urticaire géante, œdème de Quincke et une terrible blessure qu’il garda secrète jusqu’en 2008 : « Je suis devenu impuissant à l'âge  de trente-cinq ans. Avouer  cela  relève du tabou absolu dans le milieu agricole. A l'issu d'une projection, il y a quelques mois, un jeune agriculteur de trente-cinq, quarante ans m'a pris à part pour me dire avec gêne et pudeur que je n'étais pas le seul dans cette situation ».

    Autres conséquences de cette attaque de pesticides : « J'ai su récemment, après avoir rencontré le professeur Dominique Belpomme qui m'a fait faire des analyses de sang,  que je n'avais plus d'hormones de satiété, et plus d'hormones qui permettent à l'organisme de brûler les graisses. Il faut dire que mon poids avait atteint 135 kg et que j'avais fais un infarctus de myocarde. Pour compléter le tableau, je souffre maintenant d'un cancer de la prostate, je suis obligé de porter une protection.  Il est temps que les agriculteurs prennent conscience qu'ils sont les premières victimes des pesticides ».

    Malheureusement, ce n’est pas si simple, ainsi qu’en témoigne Gérard Boinon : « Il est important de dire que quand, à l'âge de 25, 30 ans, vous contractez un emprunt sur trente-cinq ans auprès du Crédit Agricole, vous êtes pieds et mains liés, vous devez rembourser jusqu'à la fin de votre carrière, et vous ne vous en sortez pas. Avec ma porcherie, j'avais l'impression de travailler pour la banque, les sous partaient pour le remboursement les soucis et les problèmes de santé restaient pour nous ».

    De l’exploitant au paysan

    Ces problèmes de santé ont été un véritable électrochoc pour l’agriculteur, qui lui a fait prendre conscience qu’il faisait fausse route. Sous la pression d'un système productiviste, il était devenu, selon son expression, un exploitant agricole. Ses soucis de santé l'ont poussé à redevenir un paysan : « Il faut savoir que dans le mot exploitant, il y a aussi et surtout une situation d'exploité ».

    Il a alors mis en œuvre sur sa ferme les alternatives décrites dans le film : « La nature nous donne ce qu'il faut pour se passer des produits chimiques, les insectes, les micorhyzes dans les sols et les oiseaux en particulier, avec qui j’ai fini par travailler. La mésange bleue est devenue une collègue de boulot. Il y a trois insectes ravageurs pour le colza et il suffit de trois couples de mésanges bleues à l’hectare pour en venir à bout. Je suis passé du statut d’exploitant agricole, que je n’aime pas du tout, car il contient le mot “exploiter”, à celui de paysan, dans lequel il y a “pays”. Les rendements étaient les mêmes qu’en utilisant des produits chimiques ».

    L'extraordinaire sincérité, la force du témoignage ont laissé coite toute l’assistance durant la durée de la conférence. L'émotion était là, palpable, ce qui, à PAE,  nous fait regretter qu'il n’y ait pas eu plus de jeunes agriculteurs présent dans la salle. Des témoignages de cette nature sont des moments rares et précieux pour la jeunes génération « d’exploitants » qui commence à se poser des questions face aux dégâts d'un système agricole à bout de souffle, générateur de mal-être chez les « petits agriculteurs » et de plus en plus boudé par les consommateurs.     

     


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  • Les oiseaux des campagnes sont en train de disparaitre à vitesse grand V ! Selon deux études menées sur plusieurs années par les chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle et ceux du CNRS, les populations d’oiseaux des champs se sont réduites d’un tiers en 15 ans ! Certaines espèces, comme les perdrix, ont été littéralement décimées. Et la tendance, hélas, n’est pas prête de s’infléchir. Le printemps 2018 risque d’être sans oiseaux dans certaines régions céréalières …

     

    En 1962, la biologiste américaine Rachel Carson publiait un livre devenu un grand classique de la littérature écologiste, intitulé Printemps silencieux (Silent spring), dans lequel elle tirait la sonnette d’alarme à propos de l’insecticide le plus utilisé à l’époque, le DDT de sinistre mémoire : si rien n’était fait, il allait exterminer tout les oiseaux, éteignant à jamais leurs chants qui enchantaient le printemps.

    Cela fait 45 ans que le DDT est interdit en France, et malheureusement, cette terrible prophétie est plus que jamais d’actualité. Deux études au long cours, menées sur plusieurs années à une échelle locale par le CNRS (Centre national de recherche scientifique) et nationale par le Museum national d’Histoire naturelle ont mis en évidence une nette diminution des populations d'oiseaux vivant en milieu agricole depuis les années 1990. L’étude menée par le Museum montre un net déclin de  l’alouette des champs, la fauvette grisette ou le bruant ortolan par exemple, qui ont perdu en moyenne un individu sur trois en quinze ans. Un déclin qui s’est encore intensifié en 2016 et 2017.

    L’étude du CNRS, menée sur la Zone atelier « Plaine & Val de Sèvre », est encore plus alarmante. Depuis 1995, les chercheurs ont suivi dans les Deux-Sèvres 160 zones de 10 hectares d’une plaine céréalière typique des territoires agricoles français. En 23 ans, toutes les espèces d'oiseaux de plaine ont vu leurs populations fondre : l’alouette perd plus d'un individu sur trois (-35%) et, avec huit individus disparus sur dix, les perdrix sont presque décimées. Cette chute frappe toutes les espèces d’oiseaux en milieu agricole, aussi bien les espèces dites spécialistes - fréquentant prioritairement ce milieu -, que les espèces dites généralistes - retrouvées dans tous les types d’habitats, agricoles ou non. Or, il se trouve que les espèces généralistes ne déclinent pas à l’échelle nationale ; la diminution constatée est donc propre au milieu agricole.

    Les responsables de cette hécatombe ont été clairement identifiés : la fin des jachères imposées par la politique agricole commune, la flambée des cours du blé, la reprise du sur-amendement au nitrate permettant d'avoir du blé sur-protéiné et, bien évidemment, la généralisation des néonicotinoïdes, insecticides neurotoxiques très persistants. Le DDT de notre siècle ! A cause des néonicotinoïdes, la population d’insectes, source première de nourriture pour les oiseaux s’est en effet littéralement effondrée dans la campagne : une étude menée sur 27 ans en Allemagne, rendue publique en 2017, a conclu que la population des insectes volants avait chuté de 75% en moins de trente ans !

    Le printemps 2018 risque d’être bien silencieux au-dessus des champs de céréales… Ce n’est pas seulement une catastrophe écologique qui se profile à l’horizon, un horizon très, très proche, c’est bien pire que ça : un monde ou les oiseaux ne chantent plus. Peut-on seulement l’imaginer ?

    Un printemps sans oiseaux…

    L'alouette des champs, bientôt portée disparue. Qui osera encore chanter :

    "Alouette, gentille alouette / alouette, je te plumerais"


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