• Ainsi que PAE l'avait annoncé dans un précédent billet, dans le cadre de l'avis de consultation publique d'enregistrement de l'installation ICPE de la SARL de la GILETTERIE, Champs Romet, Saint Fulgent des Ormes, en vue de l'extension de l'activité d'un élevage porcin, notre association a soigneusement étudié le dossier, épluché tous les paramètres susceptibles d'être nuisible à l'environnement, en particulier à la qualité des eaux, et à la santé humaine, et a rendu son avis. Nous avons décidé de le rendre public, non seulement par souci de transparence mais aussi pour permettre aux citoyens intéressés et concernés de se  faire une idée claire de la manière dont nous procédons, des données que nous analysons et confrontons avant d'émettre notre avis. Dans le cas de cette installation, cet avis n'est pas défavorable... ce qui ne nous empêchera pas de rester vigilants ! 

    Téléchargez l'avis de PAE sur Saint Fulgent

     


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  • Une nouvelle consultation publique s’ouvre du mardi 28 mars au mardi 25 avril, concernant une demande d’extension d’un élevage porcin situé sur la commune de Saint-Fulgent-des-Ormes. Compte tenu des remous et des inquiétudes suscitées par l’affaire de l’extension de la porcherie de Chemilli (voir l'article du Perche ), PAE tient à préciser sa position et à expliquer sa démarche par rapport à ce type de dossier.

    Tout d’abord, il y a élevage et élevage, porcherie et porcherie, et PAE traite chaque dossier indépendamment des autres, sans à-priori, ni en négatif ni en positif. Le projet de Saint-Fulgent n’est pas celui de Chemilli. Notre association est particulièrement vigilante sur les risques récurrents de pollution des sols, sur la qualité des eaux, sur les plans d'épandage et la pression en azote sur les sols qui en découle et bien évidement sur la production d'une alimentation saine et de proximité. L’avis que nous rendons, qu’il soit favorable ou défavorable, est basé sur des faits, sur des données fiables et quantifiables, et ce sera le cas avec cette demande d’extension d’élevage porcin. 

    Celle-ci a été déposée par la Sarl de la Giletterie, située au « Champ Romet », Les communes comprises dans un rayon d’un kilomètre autour du périmètre de l’installation et concernées par le plan d’épandage sont : Saint-Fulgent-des-Ormes, Vaunoise, Le Gué-de-la-Chaine, Chemilli, Igé, dans le département de l’Orne et, Saint-Pierre-des-Ormes et Saint-Cosme-en-Vairais dans le département de la Sarthe. Le dossier complet peut être consulté à cette adresse : http://www.orne.gouv.fr/saint-fulgent-des-ormes-sarl-de-la-giletterie-r3138.html. Sinon, un dossier déposé à la mairie de Saint Fulgent sera tenu à la disposition du public pendant toute la durée de la consultation.

    Nous incitons vivement toutes les personnes concernées à consulter ce dossier, même si cela prend du temps et peut s’avérer un peu ardu, seule une démarche citoyenne permet d’éviter amalgame et éventuelle mauvaise surprise. A titre indicatif, nous mettons à disposition l’avis rendu par PEA dans le cadre du dossier d’extension de porcherie à  Chemilli, il est téléchargeable ICI

     

       

     

     


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    La consultation publique concernant l'extension de l'élevage porcin de Bois Auvée, sur la commune du Pin la Garenne s'est terminée le 2 avril. PAE y est totalement opposée, et ne manque pas d'arguments pour étayer cette opposition (voir article Chassez la porcherie, elle revient ). Un appel à la mobilisation citoyenne a été lancé. Un citoyen, Alain Laute, par ailleurs membre de PAE, a réagi et a déposé un dossier circonstancié et argumenté comme la loi l'y autorise. A-t-il été pris en compte ? Le dernier courrier qu'il a envoyé à la mairie de Mauves, concernée par l'extension de la porcherie, est très instructif à plusieurs égards. D'abord parce que c'est un modèle de mobilisation citoyenne. Ensuite pour ce qu'il révèle du fonctionnement de nos édiles... et de ces fameuses "consultations publiques".

     

    Monsieur le Maire,

     

    Quel ne fut pas mon étonnement lors de la séance du Conseil Municipal du 8 avril de constater que le point concernant l'extension de l'élevage porcin sur la commune du Pin la Garenne n'a pas été traitée à la hauteur que cette affaire nécessitait. Une présentation de ce dossier aux habitants, avant que le Conseil Municipal ne se prononce aurait permis aux élus de recueillir les avis des habitants sur ce dossier.

    La parole d'un exploitant agricole et celle d'un citoyen lambda n'aurait-elle plus la même valeur ? Le premier est invité à s'exprimer contrairement au second *.

    Le dossier de demande d'enregistrement est déposé depuis le 7 mars en mairie. Aucun rapport ou note de synthèse n'ont été proposés en séance du 8 avril pour ouvrir le débat et éclairer les élus et éventuellement le public présent.

    L'exploitant était là pour défendre "son dossier". Il a volontairement tronqué les passages les plus contestables du dossier en matière de pollutions olfactive, sonore et surtout des sols, des nappes phréatiques et des rivières dont l'une, la plus proche, est classée A et d'autres zones en ZNIEFF2. Il n'a pas tout dit concernant les surfaces d'épandages et les quantités d'effluents à épandre. Le dossier évoque ces questions.

    Il m'est apparu que beaucoup d'élus n'avaient réellement pris toute la mesure de ce dossier, dans ces conditions l'exploitant a pu dire ce qu'il a voulu sans être contredit.

    D'autre part aucun avis contradictoire n'a pu être émis depuis le public puisque vous n'avez pas ouvert la discussion avec les habitants présents.

     D'autre part je précise que le Conseil Municipal de Mauves s'est déjà prononcé contre ce dossier en 2007 et que suite à de nombreux recours le Tribunal de Commerce de Caen a définitivement débouté le dossier.

    Depuis cette date, en neuf ans, beaucoup de choses ont évolué dans notre Région. Le Parc Régional du Perche a énormément travaillé sur l'environnement en collaboration avec les communes, dont Mauves et de nombreuses associations. Des études ont été conduites qui aboutissent à des projets de requalification et des classements de sites protégés ont été prononcés. J'ajoute que la CDC du Bassin de Mortagne a travaillé sur le PLUI en s'appuyant sur ces mêmes études et les a intégrées dans le PLUI.

     Alors, pourquoi neuf ans après avoir refusé d'approuver le même dossier et compte tenu de tous ces éléments nouveaux, le Conseil Municipal de Mauves prononce un avis favorable sur un dossier contesté et encore plus polluant que le précédent ?

    Sachez que je ne suis pas opposé à cette exploitation, mais elle est déjà suffisamment énorme pour ne pas en rajouter. Le choix d'extension à l'infini est suicidaire pour l'exploitant, pour les habitants et consommateurs et pour l'environnement.

     Monsieur le Maire, je souhaite vous rencontrer pour évoquer cette question de vive voix.

    Dans cette attente, recevez mes respectueuses salutations.

    Alain Laute

     

    * Un registre unique est déposé à la Mairie du Pin la Garenne. Il est clos depuis le 2 avril.

    Je vous ai fait parvenir via le mail de la mairie, les remarques que j'ai déposées après avoir étudié le dossier et ses annexes en mairie de Mauves et en mairie du Pin.

    Vous avez lu deux courriers lors de la séance du 8 avril mais pas le mien. Pourquoi ?

    Ma contribution avait autant de valeur que les deux autres et elle apportait un autre éclairage sur les risques encourus par l'extension de l'exploitation. 

     

    Pièces jointes :

     Pièces personnelles

    - 1 - Avis de consultation du public du 12 février 2016. Mairie de Mauves.

    - 2 - Contribution A. Laute adressée à la mairie de Mauves le 4 mars 2016 par mail, et déposé sur le registre à la mairie du Pin la Garenne.

    - 3 - Seconde contribution de  Alain Laute adressée via internet à la sous-préfecture de Mortagne.

    - 4 - Article A. Laute publié le 15 mars : Elevage porcin du Tilleul : un village Astérix ornais .

    - 5 - Remarques sur la qualité des terres concernées par le dossier de consultation.

    -6- Extrait du PLUI du Bassin de Mortagne sur le "maintient du potentiel et la fonctionnalité agronomique et écologique du socle agricole et naturel du territoire.

    - 7 - Article pris sur Politis : A quelle sauce, le porc ?

    - 8 - Article de Erwan Manac'h du 3 avril 2015 : Protestation contre la multiplication des fermes usines dans l'ouest.

     Pièces de Perche Avenir Environnement (PAE)

    - A - Communiqué de presse du 23 mars 2016 sur l'extension de l'élevage porcin de 2016.

    - B - Les raisons de fond de l'opposition de PAE en 2003.

    - C - Argumentaire sur le dossier d'enquête publique déposé en 2004 (6pages).

     

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    Les conclusions du Tribunal de Commerce de Caen de février 2007 sont disponibles sur internet.


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    Y aura-t-il encore des vaches dans le Perche d’ici une vingtaine d’années ? La question peut paraître saugrenue, voire oiseuse tant la vache, quelque soit sa race et sa vocation (lait ou viande) semble solidement implantée dans le paysage percheron. Et ce, croyons-nous, depuis des temps immémoriaux… C’est pourtant ce qui risque bel et bien d’arriver selon l’ethnologue et sociologue Alexandra Céalis, auteure d’une remarquable étude intituléeMalaise agricole et politiques territoriales. Quelles réalités et quelles adéquations ? Étude à partir du cas du canton de Nocé, siège du Parc Naturel du Perche.

    Certains ont peut-être eu la chance de l’écouter lors des conférences qu’elle a déjà données, notamment à Nocé (le 10 novembre 2015, voir ICI), et nous ne pouvons qu’encourager les autres à se précipiter dans celles à venir (le 5 novembre 2016, à l'écomusée du Perche, pour lequel elle prépare aussi une exposition : "L'agriculture, un monde en marche". D’autres interventions auront peut-être lieu d’ici là, nous vous tiendrons au courant) !  

    Le terrain, Alexandra Céalis connait bien, elle a longtemps travaillé en Mongolie-interieure auprès des éleveurs nomades, menacés par les pressions des populations sédentaires et du pouvoir chinois. Installée à Nocé depuis 2010, l’ethnologue s’est intéressée aux agriculteurs locaux et, pendant une année, a mené toute une série d’entretiens auprès d’agriculteurs présentant des profils variés caractéristiques du canton, (maraîchage, polyculture-élevage de bovins laitier ou bovins viande, polyculture-élevage d’ovins, polyculture-élevage de caprins), installés en bio et en conventionnels. Elle interviewé des acteurs locaux de la profession (chambre, associations, Parc, Pays), a fréquenté réunions syndicales, d’informations et d’associations de producteurs, a visité des fermes et s’est immergée dans une masse de documents rédigés dans une « techno-langue » agricole bardée de sigles et d’acronymes parfaitement hermétique au commun des mortels… De tout cela, elle a extrait une étude dense, intelligente qui, à travers un état des lieux et une analyse minutieuse de la situation, des difficultés et des états d’âme des agriculteurs dans le Perche, de leurs rapports avec leur environnement humain, social et institutionnel, remet complètement en cause les préjugés, les a priori, les idées toutes faites que nous pouvons avoir sur cette profession aujourd’hui si décriée. Plus que cela, Alexandra Céalis nous oblige à nous interroger sur l’image que nous avons du Perche, sur l’idée que nous nous faisons de ce qu’est son identité, sur nos certitudes quant à ce qui est « bon pour lui », et révèle les forces antagonistes qui aujourd’hui tiraillent cette région d’apparence si paisible, au risque de la disloquer…

    Le grand désenchantement

    Alexandra Céalis démarre fort : « A l’échelle de notre étude et à la lumière des entretiens menés auprès d’agriculteurs aux profils variés, un constat se dégage : nombreux sont ceux qui rencontrent des difficultés, qui ont des répercussions à des niveaux divers mais qui suscitent chez eux un fort désenchantement. Un vrai « ras-le-bol », voire une virulente colère est perceptible dans leur discours à travers le désir de ne pas transmettre les exploitations pour ne pas engager les jeunes générations dans une voie sans issue, mais aussi par un dégoût de l’activité, du monde paysan : « Mes vaches me donnent des boutons » ou « Le monde paysan me dégoute » a-t-on pu me confier. »

    La profession est au bord de la rupture, et une bonne partie de l’étude porte sur les causes de ce que l’éthnologue appelle le désenchantement des agriculteurs. Première sur le banc des accusés : la PAC, la Politique Agricole Commune. La grogne existe surtout du coté des agriculteurs conventionnels, qui en dépendent pour 40 à 60% de leurs revenus (4 à 7% pour les bios). Cette dépendance est vécue comme une aliénation par les agriculteurs, devenus quasi prisonniers d’un système dont il est très difficile de sortir, ainsi qu’en témoigne l’un d’entre eux : « On vous donne de l’argent, mais en contrepartie on vous asservit. Sans ces aides, on ne vit pas, mais avec ces aides, on ne vit plus non plus. Tous les espaces de liberté sont squeezés »

    Les griefs contre la PAC sont nombreux, tellement qu’il serait fastidieux de tous les passer en revue : les injonctions contradictoires de la PAC en fonction de ses versions successives, la rigidité de ses mesures et la difficulté à s’y plier, la réglementation contraignante qu’il devient de plus en plus tentant de contourner, les mises aux normes qui nécessiteraient de lourds investissements, la multiplication des contrôles qui donnent l’impression aux agriculteurs d’être « fliqués » en continu, l’inflation de la « paperasse », la fin des quotas… Petits florilège des commentaires recueillis par l’ethnologue :

     « (…) Exemple concret. A la dernière réunion de la mise en place de la PAC, on a appris qu’on ne pourra plus tailler entre le 1er avril et le 31 juillet pour des raisons de nidification. Pourquoi la DDT et le service des communes ont le droit de le faire de leur côté ? La DDT nous répond ‘parce qu’on ne touche pas d’aide PAC’. Allez expliquer ça aux petits oiseaux qui nidifient côté route et pas côté champ ! Quand on me fait des réponses comme ça, j’ai envie de me braquer ! (…) »

     « Je vis aujourd’hui avec plus de soucis qu’il y a 10 ans. On ne nous imposait pas tout ce qu’on nous impose aujourd’hui. […] Il paraît qu’à long terme on n’aura plus le droit d’avoir les animaux dehors l’hiver. Les tout petits devront faire un bâtiment exprès pour 5-6 bêtes. Puis il faudra mettre le fumier à l’abri et à côté de cela, on voit des gens sans abri, c’est bizarre. […] »

     « Ce qui me révolte, c’est qu’il y a 20 ans, avec le remembrement,  on nous a forcé à raser les haies et maintenant, on nous demande de les replanter ».

    « En agricole si on gérait nos exploitations au jour le jour, ça ne le ferait pas. La PAC met un temps interminable à se mettre en place, on fait comment nous ? On se prend la tête à anticiper, à tout programmer et au niveau des réglementations tout nous tombe dessus d’un coup et débrouillez vous. C’est anormal. »

    « C’est allé trop vite, les changements sont allés trop vite ».

    Le malaise percheron

    Au-delà du mécontentement généré par la PAC, commun à tous les agriculteurs français, quelque soit leur région, la chercheuse a perçu un malaise plus subtil, plus diffus et qui est, pour le compte, propre aux Percherons. Les agriculteurs, encore majoritaires dans le Perche à la fin du siècle dernier, sont de plus en plus marginalisés au sein de la population actuelle. De moins en moins représentés dans les conseils municipaux, ils doivent désormais compter avec ceux qu’on appelle aimablement les « accourus », les néo-Percherons : les retraités, les résidents secondaires, les urbains lassés par la ville qui profitent de la proximité du Perche avec les grandes agglomérations tout en bénéficiant d’une meilleure qualité de vie, les professionnels qui peuvent aisément basculer au télétravail – créateurs, traducteurs, artistes, graphistes, etc. Bref, toute une population qui n’a pas nécessairement la même vision et les mêmes attentes que les agriculteurs, lesquels se retrouvent à devoir faire face à des points de vue parfois largement divergents. D’après les témoignages recueillis, cette nouvelle population est perçue comme hostile par le monde agricole traditionnel, au contraire des agriculteurs bios qui eux, ont le vent en poupe. 

    Le bon local, le mauvais mondial

    Cette image positive des bios et l’engouement pour les circuits courts ne fait pas l’affaire des conventionnels qui, à l’inverse, ont beaucoup de mal à mettre en avant leur propres produits. Ils souffrent de la très mauvaise image qui est devenue la leur, le « bon » agriculteur étant désormais celui qui ménage le mieux l’environnement. Ils sont aussi très critiques vis-à-vis des bios et de leurs supporters, accusés d’égoïsme et d’élitisme : pourvu qu’eux aient une nourriture saine, alors tant pis pour les autres. Entre les bios et les conventionnels, note Alexandra Céalis, se confrontent « deux visions économiques, l’une a tendance libérale avec comme projet de nourrir le monde dans son ensemble et l’autre a tendance sociale animée d’un souci d’équité mais dont la production reste adressée à une élite. »

    Un vrai fossé sépare les deux approches, les rendant pratiquement incompatibles. Ainsi, beaucoup d’agriculteurs conventionnels estiment que le bio ne sera pas en mesure de nourrir le monde, riches et pauvres confondus comme eux le font : « La vision « hors caste » des conventionnels vient sur ce sujet défier le projet dit « élitiste » des bios. » Leur amertume est compréhensible, ils ont jusque là vécu dans un monde ou leur mission, noble et généreuse, était de nourrir le monde. Ils avaient de quoi être fiers et, pratiquement du jour au lendemain, les voila accusés, pour le dire brutalement, de « pourrir » le monde…

    Ils sont d’autant plus blessés qu’il leur arrive désormais d’être publiquement montrés du doigt, ce qu’a fort mal vécu l’un des interviewés : « Quand on est en bord de route et qu’on se fait klaxonner parce qu’on est en train de couper les haies, idem quand vous traitez... Vous êtes chez vous, vous respectez la réglementation en cours. On peut le prendre à la légère, on peut se dire qu’on peut changer mais faut quand même gagner de l’argent, c’est le but d’une entreprise, mais on peut le prendre aussi ‘puisque vous vous la jouez comme ça, je vais en faire qu’à ma tête’. Tête de con quoi. On peut le prendre aussi comme ça. »

    Etre agriculteur dans un Parc

    Un autre grief, tout à fait local celui là, exprimé par les agriculteurs, est : « on » veut sanctuariser, figer, le paysage percheron, les empêchant ainsi d’évoluer. Le « on » est physiquement, moralement et administrativement incarné par le Parc National Régional du Perche (PNRP). Ainsi qu’Alexandra Céalis l’explique très bien : « Une tension particulière se joue aujourd’hui dans le Perche ornais, entre une promotion touristique menée par le Parc Naturel Régional du Perche, basée essentiellement sur ses paysages (haies, prairies, bocage), ses élevages, ses produits de la ferme etc. et une réalité toute autre de la vie des agriculteurs, sculpteurs de ce même paysage, qui traversent une crise majeure, propre à l’ensemble du territoire français. Le maintien de l’élevage en particulier est menacé (….) alors même que c’est ce dernier qui modèle le paysage tant défendu, par l’usage des prairies et l’entretien des haies ».

    Dès sa création en 1998 le Parc affichait la couleur dans sa charte : « Le système traditionnel de polyculture-élevage bovin (lait et viande), qui a façonné les paysages bocagers des collines du Perche depuis le milieu du siècle dernier, régresse au profit du développement des cultures (céréales et protéagineux), surtout depuis ces dernières décennies. Les impacts sur le territoire se sont traduits par une régression des surfaces en prairies (elles représentaient 43% de la SAU (surface agricole utile) du Parc en 1988 et 33% en 2000) et des éléments paysagers associés. Cette évolution, qui appelle des réponses adaptées et partagées, est prise en compte dans la Charte et son projet agricole territorial. » (p.78, Charte PNRP)

    Or, les agriculteurs ne sont absolument pas d’accord avec cette vision du Perche, Ainsi qu’en témoigne l’un d’entre eux : « Le ratio prairies permanentes-culture a tendance à diminuer alors on nous interdit de retourner les prairies. Quand vous expliquez au préfet qu’en 1900, il y avait une grosse part des prairies qui étaient en culture, il ne veut pas comprendre. On sanctuarise le territoire. Quand on sanctuarise, il n’y a pas d’évolution possible et le parc contribue à cela. […] Le maillage actuel aura du mal à évoluer beaucoup. Le paysage a peu de chance d’évoluer radicalement du coup c’est un peu bête de sanctuariser à ce point là et d’empêcher d’évoluer. »

    Histoire de la vache et du Perche

    Qui a raison, Parc ou agriculteurs ? Agriculteurs ! Alexandra Céalis a aussi soigneusement étudié l’histoire des paysages du Perche, et oh, surprise, c’était un territoire non d’élevage mais… de labours ! Vers le milieu du 19eme siècle,  « l’agriculture, principale activité économique du département, était tournée essentiellement vers la culture de céréales utilisées pour la consommation humaine. La fonction première des animaux était de fournir de la force de traction et d’enrichir les terres. L’élevage de brebis, en plus de la viande, fournissait la matière première pour l’industrie de la laine ».

    Deux décennies plus tard, la crise étant passée par là, les paysans, se reconvertissent dans l’élevage et les terres jadis labourées se transforment en herbages et pâturages. Le mouvement se poursuit jusqu’au milieu du 20eme siècle, avec une extension des prairies et une augmentation du cheptel, jusqu’au remembrement des années 70-80, où tout s’inverse : on arrache les haies et on revient aux labours. La tendance à toujours plus de cultures et moins de prairies se poursuit aujourd’hui. Le canton de Nocé a retrouvé la part de terres labourables qu’il connaissait en 1852 soit – de 15% de surfaces couvertes en prairies. Bref, il est revenu à la case départ. Avec une différence, et de taille : l’arrachage des haies ayant été fortement encouragé lors du remembrement, les parcelles labourées sont nettement plus étendues qu’elles ne l’étaient et le bocage ancien a commencé à être menacé. La « céréalisation » du paysage, fortement encouragée par la PAC et la chambre d’agriculture de l’Orne, était en marche…

    Pays et Parc à la rescousse.

    Ce mouvement est-il inéluctable ? Comment l’enrayer (un terme qu’Alexandra Céalis n’emploie pas, à juste titre : plutôt qu’enrayer, suggère-t-elle, ne faut-il pas mieux composer, adapter, faire preuve de fluidité et de souplesse ? Mais voila, nous parlons là des politiques mises en place par le Parc…) ? Des actions ont été entreprises dans ce sens, par les territoires de projet que sont le PNRP et le Pays du Perche ornais : « Ces instances territoriales ont vocation à tempérer la brutalité des injonctions nationales et à accompagner les agriculteurs sur des voies plus adaptées localement. Le Parc, dépositaire d’une charte et initiateur d’un « projet territorial agricole pour le Perche » est doté de missions à l’échelle territoriale en matière d’agriculture. Le Pays du Perche ornais de son côté à également des velléités en terme de soutien à la vie agricole ».

    En 2005 et 2006, Pays et Parc ont tout deux établi un diagnostic de la situation, en vue d’établir un plan d’action couvrant la période allant jusqu’à 2013. Les deux études dressent peu ou prou un même état des lieux : un net recul de l’élevage laitier ( -34% de vaches laitières entre 1988 et 2000 et une baisse de la surface en herbe d’environ 30% pendant la même période, les 600 élevages laitiers présents sur le territoire représentant 2000 emplois directs), le difficile renouvellement des chefs d’exploitation (selon l’étude réalisée par le Parc, le Projet Territorial Agricole pour le Perche (PTAP), plus de 500 exploitants devaient partir à la retraite dans les 10-15 ans suivant, soit… aujourd’hui.  L’occasion, pour une partie des successeurs-repreneurs, d’augmenter les surfaces et d’abandonner l’élevage laitier).

    Dix ans plus tard, le moins qu’on puisse dire est que le bilan des plans d’action concoctés par le Pays et le Parc pour arrêter l’hémorragie et préserver le paysage percheron n’est guère encourageant. Aujourd’hui, Alexandra Céalis estime que :

    « Parmi les trois scénarios d’évolution proposés en 2006, l’un tendanciel, l’autre positif, le dernier négatif, on peut facilement considérer se trouver aujourd’hui dans le schéma dit tendanciel qui présente la situation en ces termes :

    « Le scénario tendanciel : agrandissement et extensification

    Beaucoup d’agriculteurs prennent leur retraite dans les 10 ans. C’est l’occasion pour les successeurs, beaucoup moins nombreux, d’abandonner l’élevage laitier et de gérer des exploitations plus grandes en céréaliculture.

    Les réussites individuelles territoriales continuent mais disparaissent quand ceux qui les ont initiées se retirent. Le nombre d’actifs agricoles chute de 25%, autour de 3 000 UTA.

    Dans un premier temps, il y aura peu de conséquences pour les habitants, mais dans un deuxième temps, le Perche se modifie : disparition des haies, abandon des prairies, progression des espaces boisés,…

    Cependant, une dynamique territoriale reposant sur les groupes agricoles existants et des acteurs extérieurs à l’agriculture peut infléchir cette tendance : de nouveaux emplois compenseraient alors en partie la baisse d’effectifs dans les systèmes dominants. »

    Les raisons d’un échec…

    L’action du Pays a essentiellement porté sur la transmission des exploitations et le soutien financier aux nouveaux arrivants, et n’a bénéficié qu’à une poignée de jeunes agriculteurs en bio et circuit court : « A la lumière des entretiens, très peu d’interactions avec la structure Pays sont apparues, en particulier avec des agriculteurs conventionnels. La majeure partie des personnes interrogées ont une idée floue voire inexistante de son rôle et n’en connaissent pas les acteurs.  Ses choix stratégiques semblent aller dans le sens d’une attention particulière portée aux nouvelles populations issues de zones urbaines, en quête de campagne, de qualité de vie et de bons produits et de la volonté d’en attirer davantage ».

    Plus ambitieux, le plan d’action du Parc avait pour priorité le soutien à l’élevage, en particulier laitier.  Cela passait par un soutien à l’investissement, notamment les fameuses et contraignantes mises aux normes ; par le renforcement du service de remplacement qui permet aux agriculteurs de souffler quelques jours, de se sociabiliser, sortir de l’isolement qui  les décourage et les fragilise moralement ; par le développement de filières locales, comme des ateliers de découpe locaux pour la viande bovine ou des unités de transformation pour le lait ; par la valorisation des produits percherons ; par des actions de sensibilisation auprès du grand public, etc. 

    Malheureusement, le Parc, acteur somme toute nouveau dans le monde agricole local, n’a pas pu faire grand-chose face à une conjoncture économique extrêmement défavorable aux éleveurs laitiers, qui les incite à abandonner leur modèle de production pour adopter un autre – la céréaliculture - plus rémunérateur et offrant des conditions du vie plus confortables. Il n’a pas fait le poids face à des instances administratives plus puissantes telles que l’Europe, les régions, les départements et les chambres. Il s’est heurté aux visions divergentes entre les différents départements : dans l’Eure-et-Loir par exemple, il y avait peu de volonté de maintenir l’élevage. Il a été confronté au manque de structuration des éleveurs, au délitement de leurs réseaux et n’a pas réussi à les fédérer dans un projet commun. Alexandra Céalis pointe très justement le fait que les ambitions du Parc reposaient sur ceux qu’on appelle des porteurs de projets : « (…) c’est à dire de personnes disponibles, volontaires, en quête d’une activité nouvelle et disposant de temps. Ce dispositif dont le principe est mal connu des habitants, pose un certain nombre de problèmes. Dans le cas des agriculteurs, en dehors des jeunes qui s’installent et se doivent, dans ce cadre, de consacrer du temps à la mise en place de leur système, à la construction de leurs outils de production, les autres ne disposent pas de temps pour se constituer « porteurs de projet ». De plus, le volontarisme dont il faut faire preuve pour incarner ce profil s’accorde difficilement avec la conjoncture actuelle. Les agriculteurs travaillent pour la plupart douze heures par jour, trois cent soixante cinq jours par an, et luttent quotidiennement pour maintenir leur exploitation. Le dispositif, conditionné par son caractère novateur pour espérer lever des fonds, apparaît en inadéquation avec la réalité de la vie des agriculteurs, qui ont avant tout besoin d’aide à la mise aux normes et de voir réévaluer le prix de leurs productions avant de pouvoir envisager des changements et de la nouveauté dans leur système. Ils ne disposent pas malheureusement pas de marge suffisante, ni de temps pour trouver leur place dans ce dispositif ».

    Enfin, le Parc a surtout réussi à se rendre antipathique auprès des agriculteurs conventionnels, qui dénoncent, en vrac : une mauvaise gestion, un sentiment de mépris pour leur savoir, un manque de prise en compte réelle de leurs préoccupations, une attention de façade. Le Parc propose par exemple des interventions dans les écoles, des visites de ferme, des marchés fermiers, etc. Le but étant qu’agriculteurs et non-agriculteurs puissent mieux se connaitre. Or, ces actions sont essentiellement tournées vers l’agriculture biologique, et certains agriculteurs conventionnels se plaignent de ne pas être sollicités, ou seulement de manière anecdotique. Mais, ainsi que le souligne Alexandra Céalis, il y a une méconnaissance certaine de ce qu’est le Parc de la part des agriculteurs conventionnels, et une certaine dose de mauvaise foi. L’information circule peu ou mal, les actions et les prérogatives réelles du Parc ne sont pas très claires, et les agriculteurs ne voient en lui qu’un empêcheur de tourner en rond de plus, une extension de la PAC chargée d’appliquer les MAEC, soit les Mesures Agro-environnementales et Climatiques. Pas de quoi se rendre très sympathique auprès d’une catégorie professionnelle au bord de la rupture.

    Le Perche des uns, le Perche des autres. 

    Pour revenir à la question avec laquelle s’ouvre ce long compte rendu, non, il n’y aura plus beaucoup de vaches dans le Perche d’ici vingt ans… La faute à beaucoup de choses, à la PAC, au contexte économique très rude, à l’épuisement des agriculteurs, etc. Mais au-delà de ça, et en ce qui concerne précisément le Perche, les vaches sont aussi vouées à disparaitre faute d’une vision commune entre « bons » et « vilains », entre Parc et éleveurs, entre « natifs » et « accourus ». Entre ceux qui veulent liberté et espace, et ceux qui protègent et défendent, au nom d’une « identité percheronne » qui laisse Alexandra Céalis très dubitative :

    « (…) [Le] Parc et le Pays fondent leurs actions sur la construction d’un Perche carte postale, idéalisé, à l’attention de populations extérieures et essentiellement urbaines. Le déséquilibre démographique est posé comme élément clé et le tourisme et l’attractivité sont vus comme des réponses prioritaires aux problèmes identifiés. Ainsi, l’identité percheronne, telle que reconstruite par les acteurs du tourisme, est fondée (…) notamment sur la pratique de l’élevage et le paysage bocager (la culture de la pomme et le cheval percheron sont les deux autres marqueurs majeurs). (…)  Au-delà du constat d’échec du soutien à l’élevage, du fait de facteurs macro-économiques trop puissants pour être infléchis à l’échelle locale et d’un phénomène de délitement du tissu des éleveurs lié à l’avancée de la céréaliculture offrant des conditions de vie plus confortables, on peut s’interroger sur la manière dont, ces quinze dernières années, l’identité percheronne s’est développée. Les anciens parlent un patois dit « normand » et l’identité percheronne en tant que telle ne semble pas aussi ancrée que la propagande touristique semble le dire. Le Perche en tant qu’entité dotée d’une culture propre apparaît sur joué et instrumentalisé par les acteurs du tourisme qui tentent avant tout de développer un produit attractif. Le développement artificiel d’une identité pour des raisons touristiques suffit-il à consolider le tissu social et économique ?

    (…) Le Perche paysager, tel que promu aujourd’hui, met à mal la vision qu’ont les gens du cru, qui de génération en génération ont vu leur espace de vie évoluer et qui depuis la présence du Parc, se voient contraints de le figer. Ceci entrave leur marge de manœuvre, déjà réduite par les politiques agricoles, suscitant ainsi mécontentement et réticence à l’égard de ces structures. Le Perche, tel qu’il est vendu aux touristes et aux nouveaux arrivants correspond à une photographie du territoire sur une courte période historique, essentialisée. Cette image, ce produit, a pour vocation de répondre aux attentes d’une population urbaine, en mal de campagne, qui vient chercher dans le Perche une authenticité construite à partir d’un fantasme de campagne, vision que les autochtones ne partagent pas dans leur ensemble. (…)

    Parallèlement, l’agriculture, profession centrale dans la construction des paysages et l’emploi rural, subit la mondialisation et s’étiole face à la concurrence internationale. Cette conjoncture fait des ravages localement et les politiques territoriales se révèlent impuissantes face à elle. La défense de la biodiversité face au malaise agricole apparaît pour certains comme un discours inaudible. Privilégier l’environnement naturel quand les agriculteurs se sentent pris à la gorge, manipulés, contribue à leur retranchement. Dans ce contexte, le bien-être des individus devrait être réintégré comme une priorité dans la défense de la biodiversité, de laquelle il fait partie intégrante. »

    L'étude d'Alexandra Céalis contribuera sans conteste à une meilleure compréhension entre les agriculteurs et les autres acteurs économiques du Perche, notamment ceux surnommés « les accourus ». PAE ne peut que saluer ce travail remarquable, d’autant que notre attachement à la protection de l'environnement est aussi profond que celui envers le maintien et le développement d'une agriculture paysanne, seule garante de la préservation de la biodiversité et du bien-être de tous, à commencer par les agriculteurs, acteurs incontournables.

     

    Bonne année !

     

     

     


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